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Autoportrait du poète

Mon métier consiste à écrire des vers. A rimer le plus poétiquement possible.

C'est un métier d'homme. D'abord parce que lorsqu'il est engagé, l'homme a envie d'écrire sans relâche des vers, ensuite parce que lorsqu'il y a plusieurs hommes, ils veulent tous faire des alexandrins mieux les uns que les autres.

Un métier humain.

Je suis poète.

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Il y a eu Desnos, il y a eu Breton, il y a eu Queneau, il y a eu Jean de La fontaine, il y a eu Rimbaud et, maintenant, il y a moi. J'écrirai cette année sans relâche et avec beauté.

Je suis l'homme le plus équilibré de la profession, la plus fine plume, le plus élégant, et mon travail consiste à faire rêver les Hommes.

Tous les grands poètes délivrent des rimes.

Ecrire mieux c'est d'abord écrire autrement; de façon à semer l'inquiétude et le doute.

Faire peur. Ecrire de telle manière que les autres partent dans un monde imaginaire, jusqu'à ce qu'une génération entière rêve de vous.

Dans une vie de poète, on ne peut inventer qu'un, et un seul, style génial.

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Et puis il y a le moment qui arrive forcément dans une vie, le seul moment de vrai repos, de repos absolu. Le repos du poète.

Vous avez passé votre vie à écrire à fond, vous rentrez dans votre dossier et vous appuyez sur cette minuscule icône, cette petite faute stupide ( qui n'est pas d'inattention puisque les poètes ignorent l'inattention) qui vous tire en dehors de votre vie idéale. Et là, c'est le vrai repos, le repos immense. Vous avez déjà perdu le contrôle de vos textes, puis très vite vous tombez sur votre clavier. Plus rien n'a d'importance, vous n'êtes plus un poète, votre main se relâche, votre esprit se rappelle des textes que vous n'avez pas publiés, vous savez que vous allez perdre la main.

Je me prépare aussi pour ces moments de la vie que les hasards des exigences des éditeurs nous imposent. Les livres épais et longs qui permettent aux réalisateurs de faire des adaptations de ces livres.

Tout compte dans votre carrière ?

Un jour, l'essentiel devient l'indispensable. C'est l'indispensable qui fait le poète. Vous avez réécrit plein de fois la première ligne, vous avez changé d'idée à chaque fin de vers, vous avez la rime de chaque vers, vous avez perdu votre écriture parce que vous évoquez des choses qui vous tiennent à cœur, vous vous êtes demandé s'il fallait le laisser ou non?

Quand je dors, je travaille, quand je mange, je travaille. Je dessine mes vers, je modèle mes mots. Mon insomnie et mes crises sont intraitables, je porte sans cesse sur ma tête la trace de mon clavier.

Lorsque mon ordinateur est sur mon bureau, il  me libère des tonnes de travail. Après, il reste un écrivain sur la place qui n'a plus ni yeux, ni tête, ni jambes, et qui écrit pour arriver à la fin de la page mieux que les autres hommes.

C'est la règle.

Mes premiers lecteurs sont arrivés à comprendre avec difficulté mes poèmes, et deux saisons plus tard, mes cinquante mille nouveaux lecteurs y arrivent comme eux.

Maintenant, il y a moi.

Être un grand poète est un état qui exige un contrôle absolu de soi-même et une concentration totale. J'écris à temps plein. J'écris en passant la journée à ne rien faire. Je m'entraîne à écrire sous word, sans les mains, parfois sans ordinateur pour mieux écrire. Je souris au réparateur informatique et au vendeur de papier parce que je sais qu'ils m'aident à écrire. Je casse la tête de mon éditeur qui est nul parce que je sais que cela m'aidera à écrire.

Prenez deux hommes à égalité d'encre et de matériel, sur la même feuille blanche, mettez-les à côté l'un de l'autre et c'est toujours moi qui écris le mieux.

La page blanche qui bloque la plupart des écrivains, je la fais mille fois par semaine. Le sonnet en alexandrin à rimes embrassées, celles qu'on prend avec la tête farcie, je le fais chaque soir avant de me coucher. Je sais tous les clichés littéraires des mangas et, lorsque je les lis, je m'imagine les scènes dans ma tête.

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